Le raku-yaki

Le raku-yaki est le résultat d’une technique d’émaillage et de cuisson développée dans le Japon du XVI siècle.

Durant des siècles, la cérémonie du thé est réservée à l’aristocratie. Les bols sont décorés d’ornements précieux, rares et couteux. Puis, dans le courant du XVIème siècle, le grand maître du thé Sen no Rikyû rend cette coutume plus accessible et elle se répand dans tout le Japon. Le bol à thé devient alors un objet cérémoniel plus répandu et il devient nécessaire d’en réaliser de plus en plus.

Le potier Tanaka Chôjirô, le premier potier de la famille Raku, amorce le style Raku-yaki. Les bols créés, tout en sobriété, ne doivent pas détourner l’attention des participants à la cérémonie. Ceux-ci doivent se centrer avec une volonté de simplicité à la méditation. Le potier réalise des bols entièrement rouges ou noirs qui reflètent les idéaux de simplicité du concept wabi. Selon la tradition zen, ces bols ne devaient pas détourner l’attention par leur beauté.

C’est à l’époque de Muromachi (1336-1573), lorsque les bols à thé délicatement finis au tour étaient en grande vogue, que les bols de Chôjirô, totalement dépourvus de couleur et d’ornement et entièrement façonnés à la main, font brusquement leur apparition. Sidéré, le public les appelle « ima-yaki » ou poterie du moment, poterie contemporaine. Ce qui signifie que dès l’époque de son apparition, le Raku était déjà d’avant-garde.

Comment donc la céramique « ima-yaki » (« poterie du moment ») est-elle devenue « raku-yaki » (« poterie plaisante ») ? Après la mort de Chôjirô, les bols sont appelés « Juraku-yaki » en prenant le nom du quartier où le four était situé. On pense généralement que c’est à cette époque que Tanaka Muneyoshi (soutien de Chôjirô et père de la IIe génération, Tsuneyoshi) est autorisé par Toyotomi Hideyoshi (1537-1598), l’homme le plus puissant du pays à l’époque, à apposer sur ses pièces un cachet portant l’idéogramme «Raku » (plaisir) et que les bols en viennent progressivement à être appelées « raku-yaki ».

C’est un concept inspiré de la philosophie zen qui est décrit comme le “Zen des choses”.

Le Wabi-Sabi prône le retour à une simplicité, une sobriété qui rend l’existence plus paisible. On devient alors disposé à reconnaître et ressentir la beauté des choses imparfaites, éphémères et modestes, comme un simple bol de thé fait-main.

Voici un petit livre qui offre un bel aperçu de cette philosophie de la simplicité.

Le céramiste anglais, Bernard Leach, né à Hong Kong, fait le lien entre l’Orient et l’Occident. Il se forme au Japon auprès du maître Tomimoto Kenkichi. En 1920, il s’installe à St Ives, en Cornouailles, et construit un four grimpant à bois, à la manière des céramistes japonais. Ces œuvres ne rencontrant pas de succès il part en Corée où il parfait sa technique et est acclamé. Il revient en Angleterre et publie « A Potter’s Book. » considéré aujourd’hui comme un grand ouvrage de références.

Les artistes céramistes s’emparent de cette nouvelle technique et la transforme petit à petit. Elle remporte un franc succès dans les années 60/70. Le potier américain Paul Soldner (1921-2011) applique les principes des techniques du Raku avec cuisson à basse température dans un petit four. Mais cette mise en scène des effets accidentels obtenus par enfumage, avec des copeaux de bois par exemple, directement après la calcination n’a jamais été employée par la maison mère du Raku.

Si la céramique Raku version occidentale est très certainement d’avant-garde, l’esprit contemporain du Raku japonais, appréhendé en fonction de la spiritualité et du sens esthétique issus de sa technique et de son contexte, est, pour sa part, radicalement différent.

  • On distingue un réseau de fines craquelures sombres sur les zones émaillées.
  • La pièce a parfois un aspect très irisé et des irrégularités, des accidents dans l’épaisseur de l’émail.
  • Les zones non émaillées sont de couleur sombre : gris à noir éteint.

Pratiquer le raku se fait en plusieurs étapes. La préparation des pièces est assez similaire à celle d’une céramique classique.  C’est vraiment la cuisson qui va surprendre et impressionner le débutant en céramique.

Les bols de raku sont fabriqués à partir d’une argile sableuse qui est assez légère et délicate. Elle va subir un choc thermique lors de la cuisson et doit donc être solide et résistante. Elle contient pour cela beaucoup de chamotte. Une fois cuits les bols ne résonnent pas comme de la poterie cuite à haute température et, par conséquent, émettent un son « tok-tok » sourd lorsqu’on les frappe sur le côté.

  1. Le modelage : La poterie raku japonaise traditionnelle est formée à la main plutôt que sur un tour. On peut toutefois faire une œuvre au tour. Attention à ne pas faire des pièces trop épaisses, trop lourdes ou trop grandes. Il faut être très vigilant sur la réalisation des jointures qui doivent être très solides. La moindre faiblesse ou bulle d’air, une fissure, et la pièce explosera…
  2. Le séchage : La poterie doit sécher à l’abri des courants d’air pendant plusieurs jours sous plastique au besoin.
  3. La cuisson du biscuit : La céramique raku est cuite en biscuit comme beaucoup d’autres types de poterie. On fait une première cuisson qui la rend solide mais encore poreuse afin de recevoir la glaçure liquide. Les objectifs de la cuisson du biscuit sont les suivants :
    • Brûler le carbone et d’autres matériaux combustibles de l’argile, afin qu’ils ne brûlent pas et ne marquent pas la poterie lors de la cuisson de l’émail.
    • Rendre l’argile moins poreuse afin qu’elle n’absorbe pas trop de glaçure et ne se brise pas lors de la cuisson de la glaçure.
  4. L’émaillage : 
  5. Si on veut réserver des espaces il faut les protéger avec de la cire avant de passer l’émail Raku. On peut ainsi dessiner des motifs plus ou moins réalistes ou aléatoires.
  6. Ensuite, on fait couler l’émail sur la poterie pour un effet organique, à la louche par exemple. Les parties émaillées seront blanches ou colorées et les parties sans émail, seront enfumées. Elles deviendront noires et mates.
  7. Attendre que l’émail soit sec.
  8. Tous les matériaux des glaçures ne sont pas adéquats, on parle donc de glaçure à raku. On peut utiliser les émaux de base tels quels, ou les colorer en leur ajoutant des oxydes (cuivre, fer, etc).
  9. À savoir : On peut superposer 2 glaçures pour obtenir des effets renversants. Mais il est difficile de les prévoir quand on débute, c’est la pratique qui aidera !

Cuisson de la poterie raku, un art d’avant-garde au XVIe siècle déjà

Le Raku est une variété de céramiques issues d’une cuisson rapide à basse température. Cette cuisson permet de transformer les poteries avec le feu, la sciure de bois ou autres matières organiques et l’eau. Le raku est une technique traditionnelle de poterie japonaise fascinante, hasardeuse et heureuse.

En cuisson raku, on ouvre le four en pleine cuisson !  C’est impressionnant, car les pièces sont totalement incandescentes !

Donc cela ne s’improvise pas et nécessite une bonne préparation. Être accompagné de personnes qui ont déjà pratiqué est essentiel.

Préparation : il faut des gants, un masque, des pinces en métal, un four à raku équipé d’une sonde et d’un thermocouple, une ou plusieurs caisses d’enfumage, des bacs d’eau, de la sciure de bois ou tout autre matériaux combustible.

  1. Enfournement : lacer les pièces émaillées dans le four chaud. Bien les espacer pour pouvoir les attraper facilement avec une pince.
  2. . On surveille la montée en température jusqu’à atteindre 800° à 900°.  Elle doit être régulière et prendre à peu près 1h à 2h.
  3. Ouverture du four : On peut décharger le four en plusieurs fois, pas besoin de se précipiter et de se brûler ! Pendant que l’émail est encore à l’état liquide, retirer les pièces à l’aide des pinces. La fabrication traditionnelle japonaise de poterie raku s’arrête ici et on laisse les pièces refroidir.
  4. Pour la poterie raku occidentale moderne, on ajoute un enfumage. Pendant que l’émail est encore liquide, les pièces d’argile sont plongées dans une cuve métallique emplie d’un matériau combustible (des journaux froissés, de la sciure, de la paille…). Il faut encore les recouvrir de matériaux combustibles et fermer la chambre de combustion. Il ne reste plus qu’à attendre que le feu se soit éteint. Cela peut prendre une vingtaine de minutes. Dans la cuve l’atmosphère réductrice (réduction de l’oxygène) causée par les matériaux en combustion confère à l’argile des effets de craquelures métalliques et noires uniques. Si les poteries sont placées immédiatement dans le récipient ou bien seulement après quelques minutes de contact avec l’air, le résultat de l’émail sera différent. On parle d’oxydation ou de réduction selon que l’oxygène de l’air influence la glaçure ou non.
  5. Il faut alors prendre chaque pièce à l’aide de pinces et l’immerger dans l’eau fraîche afin de la refroidir et parfaire ses craquelures. Cette immersion rapide empêche aussi la réoxydation des émaux, ce qui annulerait les beaux effets de glaçure créés dans la chambre de combustion.
  6. Après une minute ou deux, les pièces sont suffisamment refroidies pour être retirées de l’eau. Une éponge savonneuse permet de nettoyer les résidus de suie et de cendre

Le mot raku peut être traduit par « cuisson heureuse » ou « cuisson joyeuse »…

Cela signifie qu’il y a une part importante de hasard et de variation qui sont toujours étonnantes et spectaculaires. Les couleurs, les reflets métalliques, la densité et la forme des craquelures varient considérablement d’une pièce à l’autre. Les choix de glaçure et la façon de réaliser l’enfumage influencent les résultats de même que le combustible, le hasard de l’enfournement et de la montée en chaleur. La magie est toujours là au sortir de l’enfumage !

Mais attention, les pièces sortent toutes noires de suie et il faut donc attendre encore un peu pour voir le miracle. On doit faire un bon nettoyage en frottant avec une éponge, de l’eau et si nécessaire un détergeant. Mais quel plaisir de voir les couleurs apparaitre ! 

Le raku nu

crédit : Marie-Isabelle Mariey – Poterie raku animaux

La pièce reçoit une couche d’engobe polie avant d’être biscuité. Après le biscuit on émaille, et à la sortie du four raku, on met à enfumer puis on plonge la pièce dans l’eau. L’émail craque et se détache ! Cela ne laisse sur la pièce qu’une image des craquelures.

Poterie raku au crin de cheval

Crédit : Émilie Coquil – emiliecoquil.com

La pièce est sortie du four raku et on y applique des crins de chevaux ou d’autres matériaux comme des plumes ou des branchages. Ils brûlent instantanément au contact de la pièce et laissent de belles traces noires.

Poterie raku cuivre mat en réduction

crédit photo : cigale et fourmi

La recette de l’émail inclut parfois des oxydes métalliques (cuivre, cobalt, nitrate d’argent etc..) qui, lors de la réduction produite par l’enfumage, vont se révéler en magnifiques et spectaculaires irisations métallisées.

Pour obtenir un raku cuivre mat en réduction, on émaille sa pièce de glaçure au cuivre. Une fois sortie du four chaud, on vaporise l’alcool à friction directement sur le pot. Évidemment c’est dangereux ! La réaction est spectaculaire, mais les effets iridescents sont encore plus spectaculaires ! Si vous êtes déjà anxieux quand on vous sert une tarte flambée au cognac, ce processus n’est pas pour vous. 😛

Le raku Punk

Je vous avais promis une surprise, la voici ! Je vous propose une interview des artistes Jean-François Bourlard et Valérie Blaize en création à la Maison des métiers d’art de Québec. Ils ont complètement réinterprété la technique du raku à leur sauce, et le raku punk est né ! Vous n’êtes pas obligé de faire pareil chez vous, mais c’est pour vous inviter à l’audace et l’expérimentation !!

Il existe bien d’autres techniques de cuissons traditionnelles que j’aurai plaisir à vous faire découvrir. Mais le raku est l’une des plus impressionnantes, et tout de même accessible quand on débute la céramique.

On trouve d’ailleurs de nombreux stages de raku partout en France et ailleurs. Pourtant si vous êtes un peu téméraire, pourquoi ne pas vous rassembler avec quelques amis dans un lieu dégagé à la campagne ? Respectez les règles de sécurité bien sûr. 😉